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CP 01772 Marcel Proust à Robert Dreyfus [le samedi 21 mars 1908]

Surlignage

Je ne sais comment cette lettre écrite
depuis quatre jours est encore là.


Mon cher Robert

Tu es mille fois gentil et moi
jʼallais tʼécrire pour te demander
si «  toute charmante  » était de
toi ou une citation (maintenant
plus cʼest 1907, plus je crois
que cʼest « du temps » tellement
je vois que tout était pareil, cʼest
du reste une de mes idées favorites que
tu vérifies, trop long à expliquer ici)
Mais jʼai eu des crises tellement
affreuses, des 24 heures de suite si


ressemblant non pas à la mort car
elles nʼavaient rien de calme, mais
à lʼagonie, que jʼétais ensuite
peu « entrain ». Sur les Variétés
je te poserai de vive voix (puisque
tu dis si gentiment que tu viendras)
mille questions (jʼai « illustré » ton
article
en regardant les « Variétés »
dans le livre de Cain). Je mʼétais
demandé si «  gloire prestigieuse  » était
excellent, prestigieux étant plutot
destiné à ajouter quelque idée de
gloire à une qualité, talent
prestigieux etc. Mais enfin prestige
nʼest pas gloire. Donc une
gloire pourrait nʼêtre pas prestigieuse, doncgloire
prestigieuse peut se dire. Prestige glorieux mieux
encore, car surement prestige est moins (et plus).
Tout ce que tu dis est charmant, je crois plutot à « 
illusion dʼoptique
 » mais jʼavoue que je nʼen sais rien. Et
je trouve «  qu honorent les marchands  » est bien gracieux.
Et le mot de M. Halévy nʼest pas grand chose mais
il renferme un tel contraste quʼil est involontairement dé-
licieux. — . Pour mes pastiches, ton mot « ma technique »
mʼa bien fait rire. Je nʼy mets ni tant de prétention
ni de malice. Et puisque tu es impénitent pour
« uniment » et crois même «  tout uniment  » que
tu lʼaurais inventé si Lemaître ne tʼavait précédé,
cʼest le cas de dire que je les fais tout uniment. Seulement
jʼai eu deux souvenirs involontaires. Jʼen suis si désolé que
cela mʼengagerait à réimprimer ces petits pastiches rien que pour
enlever les 2 phrases (2 sur lʼensemble des pastiches) qui
semblent un peu démarquées, je te montrerai les originaux, tu jugeras de la ressemblance.
sont démarquées — si je nʼétais trop décidé à ne jamais
les réimprimer. Mais quand je te verrai je te montrerai
ces deux taches affreuses. Heureusement cela ne fait que
trois ou quatre lignes en tout, peutʼêtre cinq ou six sur
sur mille. Mais je ne vois plus que
ça. Et jʼai tout le temps peur de
faire de nouvelles découvertes. Mais
jʼai exploré lʼœuvre de mes
pastichés — et je nʼai rien trouvé
dʼautre. Je dirai presque que dʼ
une autre façon cela mʼennuie,
avec le pastiche on ne sait jamais le
degré dʼexactitude quʼil faut.
Par exemple je dis la (je ne
sais plus de le mot) du vaniteux et
de lʼaberrant. Je trouve
aberrant extrêmement Renan.
Je ne crois pas que Renan ait jamais
employé le mot. Si je le trouvais
dans son œuvre, cela diminuerait
ma satisfaction de lʼavoir inventé.
Mais si je ne le trouve pas, je serai
tenté de lʼenlever (en pensée, puisque
je ne ferai pas de plaquette) parceque
le mot ne sera pas du « vocabulaire »
de Renan. Je nʼai pas fait une
correction dans le Renan. Mais il
mʼen venait tellement à flots que
jʼai ajouté sur les épreuves des pages
entières à la colle, et tellement à
la dernière minute quʼil y a des citations
de Me de Noailles que je nʼai pu
vérifier. Jʼavais réglé mon métronome
intérieur à son rythme et jʼaurais
écrire dix volumes comme cela. Remercie moi de
ma discrétion. Je ne peux pas remettre la main sur le
Bernheim
, mais le reconstituerai aisément si cela
tʼamuse. Et je suis descendu plus bas encore dans
le pastiche. Mais maintenant cʼest fini je nʼen
fais plus. Quel exercice imbécile.

Tout à toi


Marcel Proust

Ce nʼétait ni Raquez, ni Leclerct, ni Sert. Il faudrait
pour le savoir – mais ce nʼest pas bien utile – que tu te rappelasses
où tu avais dîné. As-tu vu que Marcel Boulenger a cité dans Intransigeant
ou peutʼêtre dans Opinion ton livre sur Weill


Surlignage

Mon cher Robert

Tu es mille fois gentil et moi jʼallais tʼécrire pour te demander si «  toute charmante  » était de toi ou une citation (maintenant plus cʼest 1907, plus je crois que cʼest « du temps » tellement je vois que tout était pareil, cʼest du reste une de mes idées favorites que tu vérifies, trop long à expliquer ici). Mais jʼai eu des crises tellement affreuses, des vingt-quatre heures de suite siressemblant non pas à la mort car elles nʼavaient rien de calme, mais à lʼagonie, que jʼétais ensuite peu « entrain ». Sur les Variétés je te poserai de vive voix (puisque tu dis si gentiment que tu viendras) mille questions (jʼai « illustré » ton article en regardant les « Variétés » dans le livre de Cain). Je mʼétais demandé si «  gloire prestigieuse  » était excellent, prestigieux étant plutôt destiné à ajouter quelque idée de gloire à une qualité, talent prestigieux etc. Mais enfin prestige nʼest pas gloire. Donc unegloire pourrait nʼêtre pas prestigieuse, donc gloire prestigieuse peut se dire. Prestige glorieux mieux encore, car sûrement prestige est moins (et plus). Tout ce que tu dis est charmant, je crois plutôt à «  lʼillusion dʼoptique  » mais jʼavoue que je nʼen sais rien. Et je trouve «  quʼhonorent les marchands  » est bien gracieux. Et le mot de M. Halévy nʼest pas grand-chose mais il renferme un tel contraste quʼil est involontairement délicieux.

Pour mes pastiches, ton mot « ma technique » mʼa bien fait rire. Je nʼy mets ni tant de prétentionni de malice. Et puisque tu es impénitent pour « uniment » et crois même «  tout uniment  » que tu lʼaurais inventé si Lemaître ne tʼavait précédé, cʼest le cas de dire que je les fais tout uniment. Seulement jʼai eu deux souvenirs involontaires. Jʼen suis si désolé que cela mʼengagerait à réimprimer ces petits pastiches rien que pour enlever les deux phrases (deux sur lʼensemble des pastiches) qui semblent un peu démarquées, je te montrerai les originaux, tu jugeras de la ressemblance — si je nʼétais trop décidé à ne jamais les réimprimer. Mais quand je te verrai je te montrerai ces deux taches affreuses. Heureusement cela ne fait que trois ou quatre lignes en tout, peut-être cinq ou six sur mille. Mais je ne vois plus que ça. Et jʼai tout le temps peur de faire de nouvelles découvertes. Mais jʼai exploré lʼœuvre de mes pastichés — et je nʼai rien trouvé dʼautre. Je dirai presque que dʼune autre façon cela mʼennuie, avec le pastiche on ne sait jamais le degré dʼexactitude quʼil faut. Par exemple je dis la (je ne sais plus le mot) du vaniteux et de lʼaberrant. Je trouve aberrant extrêmement Renan. Je ne crois pas que Renan ait jamais employé le mot. Si je le trouvaisdans son œuvre, cela diminuerait ma satisfaction de lʼavoir inventé. Mais si je ne le trouve pas, je serai tenté de lʼenlever (en pensée, puisque je ne ferai pas de plaquette) parce que le mot ne sera pas du « vocabulaire » de Renan. Je nʼai pas fait une correction dans le Renan. Mais il mʼen venait tellement à flots que jʼai ajouté sur les épreuves des pages entières à la colle, et tellement à la dernière minute quʼil y a des citations de Mme de Noailles que je nʼai pu vérifier. Jʼavais réglé mon métronome intérieur à son rythme et jʼauraispu écrire dix volumes comme cela. Remercie-moi de ma discrétion. Je ne peux pas remettre la main sur le Bernheim, mais le reconstituerai aisément si cela tʼamuse. Et je suis descendu plus bas encore dans le pastiche. Mais maintenant cʼest fini je nʼen fais plus. Quel exercice imbécile.

Tout à toi

Marcel Proust

Ce nʼétait ni Raquez, ni Leclercq, ni Sert. Il faudrait pour le savoir – mais ce nʼest pas bien utile – que tu te rappelasses où tu avais dîné. As-tu vu que Marcel Boulenger a cité dans Intransigeant, ou peut-être dans Opinion, ton livre sur Weill.

Je ne sais comment cette lettre écrite depuis quatre jours est encore là.

Note n°1
Le post-scriptum placé en tête de cette lettre explique quʼelle est restée « quatre jours » chez Proust avant dʼêtre mise à la poste. Elle doit donc dater du [samedi 21 mars 1908], date confirmée par les allusions à lʼarticle du destinataire (voir notes 2, 5, 6, 7 et 8) et au pastiche de Renan (note 11), aussi bien quʼà lʼarticle de Marcel Boulenger (voir note 19) parus ce même jour. Il est possible que la présente lettre ait été envoyée dans l’enveloppe (CP 90028) portant le cachet postal : « PARIS 118 / R. DʼAMSTERDAM / 16 45 / 25 -[3 ?] 08 » (NAF 19772, f. 119r-v). [PK, FL, ChC]
Note n°2
Proust fait allusion à une phrase de la cinquième livraison de la « Petite histoire de la revue de fin dʼannée / IV » de Robert Dreyfus, parue dans le Supplément littéraire du Figaro le samedi 21 mars 1908, p. 3, le même jour que son pastiche de Renan. À propos du « chic populaire », qui en 1817, était militaire et bonapartiste, Dreyfus écrivait : « Aussi vit-on, dans leur vaudeville, la toute charmante Hortensia, "actrice de lʼOpéra", venir à la Folie-Beaujon en compagnie de M. Calicot, "marchand de nouveautés au Mont-Ida", lequel portait "des moustaches, une cravate noire, des bottes, des éperons et œillet rouge à la boutonnière de son habit" ». Dreyfus évoque ici Le Combat des Montagnes ou la Folie-Beaujon, un vaudeville d’Eugène Scribe (1791-1861) et Jean-Henri Dupin (1791-1887), joué pour la première fois au Théâtre des Variétés le 12 juillet 1817. [PK, ChC]
Note n°3
Dans une lettre du [24 septembre 1904] à sa mère (voir CP 01048 ; Kolb, IV, n° 152), Proust relate un incident amusant. La veille, il avait lu plusieurs articles du journal jusquʼà ce quʼune information mondaine périmée lʼamène à regarder la date : « cʼétait un vieux Figaro de 1903. Tout était pareil et je tʼassure quʼon aurait pu le lire dʼun bout à lʼautre sans sʼapercevoir de rien. Seule la date différait ». (Nous soulignons.) [PK, FL]
Note n°4
Georges Cain a laissé plusieurs ouvrages illustrés sur lʼhistoire de Paris et des théâtres des boulevards, notamment Anciens théâtres de Paris (Paris, Librairie Charpentier et Fasquelle, 1906), dont le dernier chapitre relate lʼhistoire du théâtre des Variétés. En 1905, il avait publié aussi un Croquis du Vieux Paris, avec illustrations et gravure sur bois de Tony Beltrand. [PK]
Note n°5
Proust fait allusion à une phrase de lʼarticle du destinataire cité ci-dessus : « Et ce nʼest pas seulement à Issoudun quʼun Philippe Bridau, colonel de trente ans, rayonnait de gloire prestigieuse. » Quand Robert Dreyfus fit paraître son livre chez Fasquelle en 1909, sous le titre identique Petite histoire de la revue de fin dʼannée, il retoucha la phrase citée : « […] rayonnait de prestige » (chap. III, p. 71). Dreyfus reconnaît avoir souvent tenu compte des « fines et sévères critiques » de Proust (Souvenirs sur Marcel Proust, Paris, Grasset, 1926, p. 232, note 2). [PK]
Note n°6
Allusion au même article du destinataire où, disant que les auteurs de vaudeville étaient « de très braves gens », il ajoute : « Libre aux pessimistes de croire à une illusion dʼoptique due à lʼéloignement ! » [PK]
Note n°7
Citation tirée du même article  : « Ce fut un spectacle de réconciliation dans la plaisanterie : les auteurs maintenaient leur "droit à la satire", et toutefois rendaient hommage à lʼIndustrie et au Commerce, quʼhonorent les marchands de nouveautés. ». Dans son volume, Dreyfus remplace le mot « marchands » par le plus recherché « commis » (Petite histoire de la revue de fin dʼannée, op. cit., chap. III, p. 90.) [PK, ChC]
Note n°8
Dans le même article du Figaro, à propos dʼun décret impérial de 1806 obligeant le théâtre des Variétés à quitter le Palais-Royal pour sʼinstaller au boulevard Montmartre, on lit : « En 1806, le boulevard Montmartre était un quartier excentrique... (Ceci ne doit pas trop nous surprendre. M. Ludovic Halévy nʼa-t-il pas conté quʼen 1805 le père Dupin tua son premier lièvre dans la plaine où est maintenant la place Clichy...) » Dans ses Souvenirs sur Marcel Proust (op. cit., p. 232, note 4), Robert Dreyfus indique avoir emprunté lʼanecdote aux Notes et souvenirs de Ludovic Halévy (Paris, Calmann Lévy, 1889, p. 129). [PK, ChC]
Note n°9
Robert Dreyfus avait utilisé « tout uniment » dans la première livraison de son feuilleton, le 22 février 1908 : « Ce que le bon Littré nommait lʼ"allusion verbale", cʼest tout uniment ce que nous appelons, nous lʼà-peu-près et le calembour. » Proust le lui avait reproché, y voyant un exemple de « toute cette défroque de Lemaitre qui a trop servi » (voir sa lettre dʼ[entre le 22 et le 24 février 1908], CP 01759 ; Kolb, VIII, n° 15). Sans doute son ami lui avait-il manifesté son désaccord. Mais lʼannée suivante il corrige « tout uniment » en « tout simplement » dans lʼouvrage qui recueille ses articles, Petite revue de l’histoire de fin d’année (« Préface », p. xv). [PK, ChC, NM]
Note n°10
Au début de cette page, Proust répète, peut-être par lapsus, le mot « sur » quʼil avait déjà écrit à la fin de la page précédente. [ChC]
Note n°11
Proust fait allusion ici à son pastiche de Renan, qui vient de paraître dans le Supplément littéraire du Figaro du 21 mars 1908, p. 1 : « Patience donc ! Humanité, patience ! [...] Ton histoire est désormais entrée dans une voie dʼoù les sottes fantaisies du vaniteux et de lʼaberrant ne réussiront pas à lʼécarter. » (PM, p. 36 ; Essais, p. 448). [PK]
Note n°12
D’après cette lettre à Dreyfus, il semblerait que Proust ne veuille pas publier ses pastiches (voir aussi la note 16 ci-dessous.) Toutefois, à supposer quʼil ne cache pas ici ses intentions réelles, il change vite d’avis en ce printemps de 1908, les offrant, mais sans succès, à Calmann-Lévy, Fasquelle et au Mercure de France (CP 01795 ; Kolb, VIII, n° 51 ; voir aussi CP 01782, CP 01786 et CP 01791 ; Kolb, VIII, nos 38, 42 et 47). [ChC, NM]
Note n°13
Les brouillons (NAF 16632, f. 61r-67v) et le manuscrit (NAF 16632, f. 40r-46v) du pastiche de Renan qui ont été conservés sont fragmentaires, mais lʼabsence dʼépreuves ne nous permet pas de vérifier les affirmations de Proust quant à ces « pages entières » quʼil aurait ajoutées « à la colle », et que Jean Milly a mises en doute (Les pastiches de Proust, Paris, A. Colin, 1970, p. 197). Mais le pastiche de Renan est, en effet, le plus long de la série des pastiches de « LʼAffaire Lemoine  » en 1908-1909. [ChC]
Note n°14
Dans son pastiche, Proust fait supposer à lʼauteur de la Vie de Jésus quʼAnna de Noailles aurait vécu à une époque reculée, et cite, dans une note humoristique pseudo-érudite, des vers des Éblouissements qui sont censés montrer lʼexil forcé de la poétesse (PM, p. 38-39 ; Essais, p. 449-450). Proust prend en effet des libertés : lʼhémistiche attribué à « Tumulte dans lʼaurore » (« Laissez-moi mʼen aller ») figure dans « Venise » et « Bondissement » ; lʼinvocation à Paris (« Ah ! rentrer dans ma ville ») tirée de « LʼOccident » est en partie récrite, ainsi que le vers (« Et si le ciel est trop divin pour moi ») tiré de « Jardin persan ». [PK, ChC]
Note n°15
Proust règle son « métronome intérieur » au rythme de Renan, rapprochant le style d’écriture de l’air musical, et le pasticheur dʼun musicien à lʼoreille fine (cf. Cahier 2, f. 17v ; Essais, p. 1079). [ChC]
Note n°16
Il sʼagit sans doute dʼun pastiche, inconnu à ce jour, des articles ou des discours dʼAdrien-Jacques Bernheim. À la direction des Beaux-Arts depuis 1881, inspecteur des théâtres à partir de 1888, auteur de la chronique théâtrale du Figaro, il venait de faire publier, sous le titre Trente ans de théâtre, la quatrième série de ses articles. — Pendant une visite de Dreyfus à Proust, ce dernier aurait promis à son ami la primeur du pastiche sur Bernheim. À cette occasion, Dreyfus aurait conseillé à Proust de réunir ses pastiches en plaquette, un projet qui finalement n’aboutira pas en 1908 : « publier isolément l’Affaire Lemoine, cette amusette, c’était vraiment trop ou trop peu et, pour la réimprimer, Proust attendit avec raison d’avoir produit des œuvres plus considérables » (R. Dreyfus, Souvenirs sur Marcel Proust, op. cit., p. 234-235, note 3). Voir aussi note 12. [PK, FL, ChC]
Note n°17
Kolb avait lu « Régnier » mais, si lʼinitiale est bien un « R », le nom semble se terminer en « ez » : « Raquez » ? Nous nʼavons pas pu lʼidentifier. Le destinataire a dû répondre à la question qui termine la lettre précédente de Proust datée du [lundi 15 mars 1908] : « Qui donc était un Mr qui est venu avec toi et Mr Serth sʼasseoir chez Weber à la table où jʼétais avec avec Dethomas, le soir où nous nous sommes vus une seconde. » (CP 01769 ; Kolb, VIII, n° 25). [FL]
Note n°18
Il doit sʼagir de Paul Leclercq, poète et critique dʼart, co-fondateur de la Revue blanche et collaborateur de La Renaissance latine, deux revues où le jeune Proust avait publié quelques uns de ses textes. Proust devait le connaître assez bien, puisquʼil avait été comme lui élève du lycée Condorcet. Selon un témoignage de Pierre Labourche, « P.-J. Toulet que jʼai connu », Le Divan, janvier 1943, p. 306-314, Paul Leclercq faisait partie de tout un groupe dʼamis artistes (Toulet, Maxime Dethomas, Forain, Jean de Tinan, Moréas, Louis de La Salle) qui avant la première guerre mondiale, pendant des années, se retrouvèrent presque tous les soirs au café Weber (art. cit., p. 307). [PK, FL]
Note n°19
Cet article de Marcel Boulenger, intitulé « M. Octave Mirbeau, Prophète » et publié dans LʼOpinion du samedi 21 mars 1908 (p. 12), a dû être retrouvé par Proust avant quʼil nʼenvoie la présente lettre, car une coupure de presse de cet article, portant des annotations de la main de Proust, lui est associée dans les archives léguées par Robert Dreyfus à la Bibliothèque nationale (CP 90029). La recherche dudit article explique peut-être que Proust ait envoyé sa lettre quatre jours après lʼavoir écrite. On y lit : « Lʼattention du public éclairé se porte sur des questions dʼexégèse ou dʼhistoire. De toutes parts, aux devantures des libraires, se montrent des ouvrages spéciaux qui révèlent chez leurs auteurs des préoccupations de cet ordre ; [...] par exemple, de lʼétude consacrée par M. Robert Dreyfus à ce très intéressant Alexandre Weill, prophète du faubourg Saint-Honoré ». Boulenger fait allusion ici au livre de Robert Dreyfus, publié en 1908, Alexandre Weill, ou le prophète du faubourg Saint-Honoré, 1811-1899. Vie des hommes obscurs (Paris, Cahiers de la quinzaine), d’après une conférence donnée à la Société des études juives le 23 mars 1907 et publiée dans la Revue des études juives, tome 53, n° 106, avril-juin 1907, p. 46-75. Cette biographie d’Alexandre Weill devait inaugurer une série que Dreyfus avait intitulée Vie des Hommes Obscurs, mais qu’il n’a point poursuivie (Souvenirs sur Marcel Proust, op. cit., p. 222). Le titre dudit livre semble s’inspirer d’un recueil de poèmes satiriques d’Alexandre Weill, L’Isaïe du faubourg Saint-Honoré, Paris, E. Dentu, 1881. Voir aussi la lettre de Proust à Dreyfus du [mercredi soir 29 janvier 1908] (CP 01753 ; Kolb, VIII, n° 9, notes 2 et 4). [PK, FL, ChC]
Note
Robert Dreyfus Le Figaro. Supplément littéraire Petite histoire de la Revue de fin dʼannée / IV 21 mars 1908
Note
Georges Cain Anciens théâtres de Paris / Le Boulevard du Temple / Les théâtres du Boulevard. Orné de 376 reproductions de documents anciens pubPlace publisher 1906
Note
Marcel Proust Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches 22 février, 14 et 21 mars 1908
Note
Marcel Proust Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches 22 février, 14 et 21 mars 1908
Note
Marcel Proust Le Figaro. Supplément littéraire VII. LʼAffaire Lemoine par Ernest Renan 21 mars 1908
Note
LʼIntransigeant
Note
LʼOpinion
Note
Robert Dreyfus Alexandre Weill, ou le prophète du faubourg Saint-Honoré pubPlace publisher 1908


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Date de mise en ligne : August 30, 2024 14:56
Date de la dernière mise à jour : August 30, 2024 14:56
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Je ne sais comment cette lettre écrite
depuis quatre jours est encore là.


Mon cher Robert

Tu es mille fois gentil et moi
jʼallais tʼécrire pour te demander
si «  toute charmante  » était de
toi ou une citation (maintenant
plus cʼest 1907, plus je crois
que cʼest « du temps » tellement
je vois que tout était pareil, cʼest
du reste une de mes idées favorites que
tu vérifies, trop long à expliquer ici)
Mais jʼai eu des crises tellement
affreuses, des 24 heures de suite si


ressemblant non pas à la mort car
elles nʼavaient rien de calme, mais
à lʼagonie, que jʼétais ensuite
peu « entrain ». Sur les Variétés
je te poserai de vive voix (puisque
tu dis si gentiment que tu viendras)
mille questions (jʼai « illustré » ton
article
en regardant les « Variétés »
dans le livre de Cain). Je mʼétais
demandé si «  gloire prestigieuse  » était
excellent, prestigieux étant plutot
destiné à ajouter quelque idée de
gloire à une qualité, talent
prestigieux etc. Mais enfin prestige
nʼest pas gloire. Donc une
gloire pourrait nʼêtre pas prestigieuse, doncgloire
prestigieuse peut se dire. Prestige glorieux mieux
encore, car surement prestige est moins (et plus).
Tout ce que tu dis est charmant, je crois plutot à « 
illusion dʼoptique
 » mais jʼavoue que je nʼen sais rien. Et
je trouve «  qu honorent les marchands  » est bien gracieux.
Et le mot de M. Halévy nʼest pas grand chose mais
il renferme un tel contraste quʼil est involontairement dé-
licieux. — . Pour mes pastiches, ton mot « ma technique »
mʼa bien fait rire. Je nʼy mets ni tant de prétention
ni de malice. Et puisque tu es impénitent pour
« uniment » et crois même «  tout uniment  » que
tu lʼaurais inventé si Lemaître ne tʼavait précédé,
cʼest le cas de dire que je les fais tout uniment. Seulement
jʼai eu deux souvenirs involontaires. Jʼen suis si désolé que
cela mʼengagerait à réimprimer ces petits pastiches rien que pour
enlever les 2 phrases (2 sur lʼensemble des pastiches) qui
semblent un peu démarquées, je te montrerai les originaux, tu jugeras de la ressemblance.
sont démarquées — si je nʼétais trop décidé à ne jamais
les réimprimer. Mais quand je te verrai je te montrerai
ces deux taches affreuses. Heureusement cela ne fait que
trois ou quatre lignes en tout, peutʼêtre cinq ou six sur
sur mille. Mais je ne vois plus que
ça. Et jʼai tout le temps peur de
faire de nouvelles découvertes. Mais
jʼai exploré lʼœuvre de mes
pastichés — et je nʼai rien trouvé
dʼautre. Je dirai presque que dʼ
une autre façon cela mʼennuie,
avec le pastiche on ne sait jamais le
degré dʼexactitude quʼil faut.
Par exemple je dis la (je ne
sais plus de le mot) du vaniteux et
de lʼaberrant. Je trouve
aberrant extrêmement Renan.
Je ne crois pas que Renan ait jamais
employé le mot. Si je le trouvais
dans son œuvre, cela diminuerait
ma satisfaction de lʼavoir inventé.
Mais si je ne le trouve pas, je serai
tenté de lʼenlever (en pensée, puisque
je ne ferai pas de plaquette) parceque
le mot ne sera pas du « vocabulaire »
de Renan. Je nʼai pas fait une
correction dans le Renan. Mais il
mʼen venait tellement à flots que
jʼai ajouté sur les épreuves des pages
entières à la colle, et tellement à
la dernière minute quʼil y a des citations
de Me de Noailles que je nʼai pu
vérifier. Jʼavais réglé mon métronome
intérieur à son rythme et jʼaurais
écrire dix volumes comme cela. Remercie moi de
ma discrétion. Je ne peux pas remettre la main sur le
Bernheim
, mais le reconstituerai aisément si cela
tʼamuse. Et je suis descendu plus bas encore dans
le pastiche. Mais maintenant cʼest fini je nʼen
fais plus. Quel exercice imbécile.

Tout à toi


Marcel Proust

Ce nʼétait ni Raquez, ni Leclerct, ni Sert. Il faudrait
pour le savoir – mais ce nʼest pas bien utile – que tu te rappelasses
où tu avais dîné. As-tu vu que Marcel Boulenger a cité dans Intransigeant
ou peutʼêtre dans Opinion ton livre sur Weill


Surlignage

Mon cher Robert

Tu es mille fois gentil et moi jʼallais tʼécrire pour te demander si «  toute charmante  » était de toi ou une citation (maintenant plus cʼest 1907, plus je crois que cʼest « du temps » tellement je vois que tout était pareil, cʼest du reste une de mes idées favorites que tu vérifies, trop long à expliquer ici). Mais jʼai eu des crises tellement affreuses, des vingt-quatre heures de suite siressemblant non pas à la mort car elles nʼavaient rien de calme, mais à lʼagonie, que jʼétais ensuite peu « entrain ». Sur les Variétés je te poserai de vive voix (puisque tu dis si gentiment que tu viendras) mille questions (jʼai « illustré » ton article en regardant les « Variétés » dans le livre de Cain). Je mʼétais demandé si «  gloire prestigieuse  » était excellent, prestigieux étant plutôt destiné à ajouter quelque idée de gloire à une qualité, talent prestigieux etc. Mais enfin prestige nʼest pas gloire. Donc unegloire pourrait nʼêtre pas prestigieuse, donc gloire prestigieuse peut se dire. Prestige glorieux mieux encore, car sûrement prestige est moins (et plus). Tout ce que tu dis est charmant, je crois plutôt à «  lʼillusion dʼoptique  » mais jʼavoue que je nʼen sais rien. Et je trouve «  quʼhonorent les marchands  » est bien gracieux. Et le mot de M. Halévy nʼest pas grand-chose mais il renferme un tel contraste quʼil est involontairement délicieux.

Pour mes pastiches, ton mot « ma technique » mʼa bien fait rire. Je nʼy mets ni tant de prétentionni de malice. Et puisque tu es impénitent pour « uniment » et crois même «  tout uniment  » que tu lʼaurais inventé si Lemaître ne tʼavait précédé, cʼest le cas de dire que je les fais tout uniment. Seulement jʼai eu deux souvenirs involontaires. Jʼen suis si désolé que cela mʼengagerait à réimprimer ces petits pastiches rien que pour enlever les deux phrases (deux sur lʼensemble des pastiches) qui semblent un peu démarquées, je te montrerai les originaux, tu jugeras de la ressemblance — si je nʼétais trop décidé à ne jamais les réimprimer. Mais quand je te verrai je te montrerai ces deux taches affreuses. Heureusement cela ne fait que trois ou quatre lignes en tout, peut-être cinq ou six sur mille. Mais je ne vois plus que ça. Et jʼai tout le temps peur de faire de nouvelles découvertes. Mais jʼai exploré lʼœuvre de mes pastichés — et je nʼai rien trouvé dʼautre. Je dirai presque que dʼune autre façon cela mʼennuie, avec le pastiche on ne sait jamais le degré dʼexactitude quʼil faut. Par exemple je dis la (je ne sais plus le mot) du vaniteux et de lʼaberrant. Je trouve aberrant extrêmement Renan. Je ne crois pas que Renan ait jamais employé le mot. Si je le trouvaisdans son œuvre, cela diminuerait ma satisfaction de lʼavoir inventé. Mais si je ne le trouve pas, je serai tenté de lʼenlever (en pensée, puisque je ne ferai pas de plaquette) parce que le mot ne sera pas du « vocabulaire » de Renan. Je nʼai pas fait une correction dans le Renan. Mais il mʼen venait tellement à flots que jʼai ajouté sur les épreuves des pages entières à la colle, et tellement à la dernière minute quʼil y a des citations de Mme de Noailles que je nʼai pu vérifier. Jʼavais réglé mon métronome intérieur à son rythme et jʼauraispu écrire dix volumes comme cela. Remercie-moi de ma discrétion. Je ne peux pas remettre la main sur le Bernheim, mais le reconstituerai aisément si cela tʼamuse. Et je suis descendu plus bas encore dans le pastiche. Mais maintenant cʼest fini je nʼen fais plus. Quel exercice imbécile.

Tout à toi

Marcel Proust

Ce nʼétait ni Raquez, ni Leclercq, ni Sert. Il faudrait pour le savoir – mais ce nʼest pas bien utile – que tu te rappelasses où tu avais dîné. As-tu vu que Marcel Boulenger a cité dans Intransigeant, ou peut-être dans Opinion, ton livre sur Weill.

Je ne sais comment cette lettre écrite depuis quatre jours est encore là.

Note n°1
Le post-scriptum placé en tête de cette lettre explique quʼelle est restée « quatre jours » chez Proust avant dʼêtre mise à la poste. Elle doit donc dater du [samedi 21 mars 1908], date confirmée par les allusions à lʼarticle du destinataire (voir notes 2, 5, 6, 7 et 8) et au pastiche de Renan (note 11), aussi bien quʼà lʼarticle de Marcel Boulenger (voir note 19) parus ce même jour. Il est possible que la présente lettre ait été envoyée dans l’enveloppe (CP 90028) portant le cachet postal : « PARIS 118 / R. DʼAMSTERDAM / 16 45 / 25 -[3 ?] 08 » (NAF 19772, f. 119r-v). [PK, FL, ChC]
Note n°2
Proust fait allusion à une phrase de la cinquième livraison de la « Petite histoire de la revue de fin dʼannée / IV » de Robert Dreyfus, parue dans le Supplément littéraire du Figaro le samedi 21 mars 1908, p. 3, le même jour que son pastiche de Renan. À propos du « chic populaire », qui en 1817, était militaire et bonapartiste, Dreyfus écrivait : « Aussi vit-on, dans leur vaudeville, la toute charmante Hortensia, "actrice de lʼOpéra", venir à la Folie-Beaujon en compagnie de M. Calicot, "marchand de nouveautés au Mont-Ida", lequel portait "des moustaches, une cravate noire, des bottes, des éperons et œillet rouge à la boutonnière de son habit" ». Dreyfus évoque ici Le Combat des Montagnes ou la Folie-Beaujon, un vaudeville d’Eugène Scribe (1791-1861) et Jean-Henri Dupin (1791-1887), joué pour la première fois au Théâtre des Variétés le 12 juillet 1817. [PK, ChC]
Note n°3
Dans une lettre du [24 septembre 1904] à sa mère (voir CP 01048 ; Kolb, IV, n° 152), Proust relate un incident amusant. La veille, il avait lu plusieurs articles du journal jusquʼà ce quʼune information mondaine périmée lʼamène à regarder la date : « cʼétait un vieux Figaro de 1903. Tout était pareil et je tʼassure quʼon aurait pu le lire dʼun bout à lʼautre sans sʼapercevoir de rien. Seule la date différait ». (Nous soulignons.) [PK, FL]
Note n°4
Georges Cain a laissé plusieurs ouvrages illustrés sur lʼhistoire de Paris et des théâtres des boulevards, notamment Anciens théâtres de Paris (Paris, Librairie Charpentier et Fasquelle, 1906), dont le dernier chapitre relate lʼhistoire du théâtre des Variétés. En 1905, il avait publié aussi un Croquis du Vieux Paris, avec illustrations et gravure sur bois de Tony Beltrand. [PK]
Note n°5
Proust fait allusion à une phrase de lʼarticle du destinataire cité ci-dessus : « Et ce nʼest pas seulement à Issoudun quʼun Philippe Bridau, colonel de trente ans, rayonnait de gloire prestigieuse. » Quand Robert Dreyfus fit paraître son livre chez Fasquelle en 1909, sous le titre identique Petite histoire de la revue de fin dʼannée, il retoucha la phrase citée : « […] rayonnait de prestige » (chap. III, p. 71). Dreyfus reconnaît avoir souvent tenu compte des « fines et sévères critiques » de Proust (Souvenirs sur Marcel Proust, Paris, Grasset, 1926, p. 232, note 2). [PK]
Note n°6
Allusion au même article du destinataire où, disant que les auteurs de vaudeville étaient « de très braves gens », il ajoute : « Libre aux pessimistes de croire à une illusion dʼoptique due à lʼéloignement ! » [PK]
Note n°7
Citation tirée du même article  : « Ce fut un spectacle de réconciliation dans la plaisanterie : les auteurs maintenaient leur "droit à la satire", et toutefois rendaient hommage à lʼIndustrie et au Commerce, quʼhonorent les marchands de nouveautés. ». Dans son volume, Dreyfus remplace le mot « marchands » par le plus recherché « commis » (Petite histoire de la revue de fin dʼannée, op. cit., chap. III, p. 90.) [PK, ChC]
Note n°8
Dans le même article du Figaro, à propos dʼun décret impérial de 1806 obligeant le théâtre des Variétés à quitter le Palais-Royal pour sʼinstaller au boulevard Montmartre, on lit : « En 1806, le boulevard Montmartre était un quartier excentrique... (Ceci ne doit pas trop nous surprendre. M. Ludovic Halévy nʼa-t-il pas conté quʼen 1805 le père Dupin tua son premier lièvre dans la plaine où est maintenant la place Clichy...) » Dans ses Souvenirs sur Marcel Proust (op. cit., p. 232, note 4), Robert Dreyfus indique avoir emprunté lʼanecdote aux Notes et souvenirs de Ludovic Halévy (Paris, Calmann Lévy, 1889, p. 129). [PK, ChC]
Note n°9
Robert Dreyfus avait utilisé « tout uniment » dans la première livraison de son feuilleton, le 22 février 1908 : « Ce que le bon Littré nommait lʼ"allusion verbale", cʼest tout uniment ce que nous appelons, nous lʼà-peu-près et le calembour. » Proust le lui avait reproché, y voyant un exemple de « toute cette défroque de Lemaitre qui a trop servi » (voir sa lettre dʼ[entre le 22 et le 24 février 1908], CP 01759 ; Kolb, VIII, n° 15). Sans doute son ami lui avait-il manifesté son désaccord. Mais lʼannée suivante il corrige « tout uniment » en « tout simplement » dans lʼouvrage qui recueille ses articles, Petite revue de l’histoire de fin d’année (« Préface », p. xv). [PK, ChC, NM]
Note n°10
Au début de cette page, Proust répète, peut-être par lapsus, le mot « sur » quʼil avait déjà écrit à la fin de la page précédente. [ChC]
Note n°11
Proust fait allusion ici à son pastiche de Renan, qui vient de paraître dans le Supplément littéraire du Figaro du 21 mars 1908, p. 1 : « Patience donc ! Humanité, patience ! [...] Ton histoire est désormais entrée dans une voie dʼoù les sottes fantaisies du vaniteux et de lʼaberrant ne réussiront pas à lʼécarter. » (PM, p. 36 ; Essais, p. 448). [PK]
Note n°12
D’après cette lettre à Dreyfus, il semblerait que Proust ne veuille pas publier ses pastiches (voir aussi la note 16 ci-dessous.) Toutefois, à supposer quʼil ne cache pas ici ses intentions réelles, il change vite d’avis en ce printemps de 1908, les offrant, mais sans succès, à Calmann-Lévy, Fasquelle et au Mercure de France (CP 01795 ; Kolb, VIII, n° 51 ; voir aussi CP 01782, CP 01786 et CP 01791 ; Kolb, VIII, nos 38, 42 et 47). [ChC, NM]
Note n°13
Les brouillons (NAF 16632, f. 61r-67v) et le manuscrit (NAF 16632, f. 40r-46v) du pastiche de Renan qui ont été conservés sont fragmentaires, mais lʼabsence dʼépreuves ne nous permet pas de vérifier les affirmations de Proust quant à ces « pages entières » quʼil aurait ajoutées « à la colle », et que Jean Milly a mises en doute (Les pastiches de Proust, Paris, A. Colin, 1970, p. 197). Mais le pastiche de Renan est, en effet, le plus long de la série des pastiches de « LʼAffaire Lemoine  » en 1908-1909. [ChC]
Note n°14
Dans son pastiche, Proust fait supposer à lʼauteur de la Vie de Jésus quʼAnna de Noailles aurait vécu à une époque reculée, et cite, dans une note humoristique pseudo-érudite, des vers des Éblouissements qui sont censés montrer lʼexil forcé de la poétesse (PM, p. 38-39 ; Essais, p. 449-450). Proust prend en effet des libertés : lʼhémistiche attribué à « Tumulte dans lʼaurore » (« Laissez-moi mʼen aller ») figure dans « Venise » et « Bondissement » ; lʼinvocation à Paris (« Ah ! rentrer dans ma ville ») tirée de « LʼOccident » est en partie récrite, ainsi que le vers (« Et si le ciel est trop divin pour moi ») tiré de « Jardin persan ». [PK, ChC]
Note n°15
Proust règle son « métronome intérieur » au rythme de Renan, rapprochant le style d’écriture de l’air musical, et le pasticheur dʼun musicien à lʼoreille fine (cf. Cahier 2, f. 17v ; Essais, p. 1079). [ChC]
Note n°16
Il sʼagit sans doute dʼun pastiche, inconnu à ce jour, des articles ou des discours dʼAdrien-Jacques Bernheim. À la direction des Beaux-Arts depuis 1881, inspecteur des théâtres à partir de 1888, auteur de la chronique théâtrale du Figaro, il venait de faire publier, sous le titre Trente ans de théâtre, la quatrième série de ses articles. — Pendant une visite de Dreyfus à Proust, ce dernier aurait promis à son ami la primeur du pastiche sur Bernheim. À cette occasion, Dreyfus aurait conseillé à Proust de réunir ses pastiches en plaquette, un projet qui finalement n’aboutira pas en 1908 : « publier isolément l’Affaire Lemoine, cette amusette, c’était vraiment trop ou trop peu et, pour la réimprimer, Proust attendit avec raison d’avoir produit des œuvres plus considérables » (R. Dreyfus, Souvenirs sur Marcel Proust, op. cit., p. 234-235, note 3). Voir aussi note 12. [PK, FL, ChC]
Note n°17
Kolb avait lu « Régnier » mais, si lʼinitiale est bien un « R », le nom semble se terminer en « ez » : « Raquez » ? Nous nʼavons pas pu lʼidentifier. Le destinataire a dû répondre à la question qui termine la lettre précédente de Proust datée du [lundi 15 mars 1908] : « Qui donc était un Mr qui est venu avec toi et Mr Serth sʼasseoir chez Weber à la table où jʼétais avec avec Dethomas, le soir où nous nous sommes vus une seconde. » (CP 01769 ; Kolb, VIII, n° 25). [FL]
Note n°18
Il doit sʼagir de Paul Leclercq, poète et critique dʼart, co-fondateur de la Revue blanche et collaborateur de La Renaissance latine, deux revues où le jeune Proust avait publié quelques uns de ses textes. Proust devait le connaître assez bien, puisquʼil avait été comme lui élève du lycée Condorcet. Selon un témoignage de Pierre Labourche, « P.-J. Toulet que jʼai connu », Le Divan, janvier 1943, p. 306-314, Paul Leclercq faisait partie de tout un groupe dʼamis artistes (Toulet, Maxime Dethomas, Forain, Jean de Tinan, Moréas, Louis de La Salle) qui avant la première guerre mondiale, pendant des années, se retrouvèrent presque tous les soirs au café Weber (art. cit., p. 307). [PK, FL]
Note n°19
Cet article de Marcel Boulenger, intitulé « M. Octave Mirbeau, Prophète » et publié dans LʼOpinion du samedi 21 mars 1908 (p. 12), a dû être retrouvé par Proust avant quʼil nʼenvoie la présente lettre, car une coupure de presse de cet article, portant des annotations de la main de Proust, lui est associée dans les archives léguées par Robert Dreyfus à la Bibliothèque nationale (CP 90029). La recherche dudit article explique peut-être que Proust ait envoyé sa lettre quatre jours après lʼavoir écrite. On y lit : « Lʼattention du public éclairé se porte sur des questions dʼexégèse ou dʼhistoire. De toutes parts, aux devantures des libraires, se montrent des ouvrages spéciaux qui révèlent chez leurs auteurs des préoccupations de cet ordre ; [...] par exemple, de lʼétude consacrée par M. Robert Dreyfus à ce très intéressant Alexandre Weill, prophète du faubourg Saint-Honoré ». Boulenger fait allusion ici au livre de Robert Dreyfus, publié en 1908, Alexandre Weill, ou le prophète du faubourg Saint-Honoré, 1811-1899. Vie des hommes obscurs (Paris, Cahiers de la quinzaine), d’après une conférence donnée à la Société des études juives le 23 mars 1907 et publiée dans la Revue des études juives, tome 53, n° 106, avril-juin 1907, p. 46-75. Cette biographie d’Alexandre Weill devait inaugurer une série que Dreyfus avait intitulée Vie des Hommes Obscurs, mais qu’il n’a point poursuivie (Souvenirs sur Marcel Proust, op. cit., p. 222). Le titre dudit livre semble s’inspirer d’un recueil de poèmes satiriques d’Alexandre Weill, L’Isaïe du faubourg Saint-Honoré, Paris, E. Dentu, 1881. Voir aussi la lettre de Proust à Dreyfus du [mercredi soir 29 janvier 1908] (CP 01753 ; Kolb, VIII, n° 9, notes 2 et 4). [PK, FL, ChC]
Note
Robert Dreyfus Le Figaro. Supplément littéraire Petite histoire de la Revue de fin dʼannée / IV 21 mars 1908
Note
Georges Cain Anciens théâtres de Paris / Le Boulevard du Temple / Les théâtres du Boulevard. Orné de 376 reproductions de documents anciens pubPlace publisher 1906
Note
Marcel Proust Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches 22 février, 14 et 21 mars 1908
Note
Marcel Proust Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches 22 février, 14 et 21 mars 1908
Note
Marcel Proust Le Figaro. Supplément littéraire VII. LʼAffaire Lemoine par Ernest Renan 21 mars 1908
Note
LʼIntransigeant
Note
LʼOpinion
Note
Robert Dreyfus Alexandre Weill, ou le prophète du faubourg Saint-Honoré pubPlace publisher 1908


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Date de mise en ligne : August 30, 2024 14:56
Date de la dernière mise à jour : August 30, 2024 14:56
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