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CP 01955 Marcel Proust à Robert de Montesquiou [peu après le 6 mars 1909]

Surlignage

Cher Monsieur,

Que je vous remercie de votre belle carte, de votre encouragement bienveillant et spirituel. Qu’elle est jolie cette carte postale d’un pays dont vous avez si bien parlé, et si souvent, et assez dernièrement encore à propos de la maison de M. de Schickler et aussi du peintre de l’Engadine, de la leçon des sommets aux vallées et aux villes . Je vous remercie de distinguer mon dessein et mon dessin dans ces pastiches. Mais j’avoue que pour un pastiche de vous je ne vois pas trop quel serait ce dessin, à moins d’entrecroiser les fils en une véritable tapisserie, mais il ne serait pas aisé. L’extrême complication et l’extrême nudité rendent les pastiches difficiles. Monsieur Lemaître qui a été si bienveillant à cette petite soirée, plus que bienveillant même, m’avait fait demander un Mérimée et un Voltaire. Je ne sais pas trop ce que ce serait… Tout de même si, mais ce ne serait pas facile.

Excusez-moi de parler avec cette complaisance de moi, ce qui n’est guère intéressant et acceptez mes hommages d’admirateur affectueux et dévoué.

Marcel Proust

Surlignage

Cher Monsieur,

Que je vous remercie de votre belle carte, de votre encouragement bienveillant et spirituel. Qu’elle est jolie cette carte postale d’un pays dont vous avez si bien parlé, et si souvent, et assez dernièrement encore à propos de la maison de M. de Schickler et aussi du peintre de l’Engadine, de la leçon des sommets aux vallées et aux villes . Je vous remercie de distinguer mon dessein et mon dessin dans ces pastiches. Mais j’avoue que pour un pastiche de vous je ne vois pas trop quel serait ce dessin, à moins d’entrecroiser les fils en une véritable tapisserie, mais il ne serait pas aisé. L’extrême complication et l’extrême nudité rendent les pastiches difficiles. Monsieur Lemaître qui a été si bienveillant à cette petite soirée, plus que bienveillant même, m’avait fait demander un Mérimée et un Voltaire. Je ne sais pas trop ce que ce serait… Tout de même si, mais ce ne serait pas facile.

Excusez-moi de parler avec cette complaisance de moi, ce qui n’est guère intéressant et acceptez mes hommages d’admirateur affectueux et dévoué.

Marcel Proust

Note n°1
Cette lettre suit à peu d’intervalle la carte postale à laquelle elle répond. Voir la note 2 ci-après. Une copie de cette lettre figure dans le Fonds Montesquiou de la BNF (NAF 15254, f. 114r -f. 114v). [PK]
Note n°2
Allusion à la carte postale de Montesquiou à Proust, que Kolb date du [mardi 6 mars 1909] – il s’agit en fait du [samedi 6 mars 1909] (CP 01952 ; Kolb, IX, n° 27). Le Comte y félicite Proust de son pastiche de Régnier, publié dans le Supplément Littéraire du Figaro du 6 mars 1909, p. 1. [PK, JA]
Note n°3
Allusion au chapitre XIV d’Altesses sérénissimes. Voir la lettre de Proust à Reynaldo Hahn de la nuit de lundi à mardi [18 à 19 mars 1907] (CP 01711 ; Kolb, VII, n°58) et la lettre du même au même du [lundi soir 7 octobre 1907] (CP 01712 ; Kolb, VII, n° 159, note 5). Il s’agit du baron Fernand de Schickler, historien, banquier et fondateur de la Société dʼhistoire du protestantisme français. [PK, NM]
Note n°4
Le marquis Gaspare de Vitelleschi degli Azzi, peintre italien. Montesquiou lui avait consacré un article paru dans Le Figaro du 17 novembre 1908, p. 1 , sous le titre de « L’Engadine », et repris dans Têtes d’expression (1912), chapitre X, sous le titre « Un peintre alpiniste ». Voir la lettre du même au même du mardi [16 février 1909] (CP 01936 ; Kolb, IX, n° 11). [PK, JA]
Note n°5
Allusion, semble-t-il, au chapitre XV d’Altesses sérénissimes. En 1895, dans son recueil de vers Le parcours du rêve au souvenir (édition Charpentier et Fasquelle, 1895, p. 119), Montesquiou avait intitulé une des parties : « Névés : Engadinages et Suisseries ». Dans lʼédition définitive, publiée en 1908, cette partie sʼintitule « Névés : Engadine ». [PK]
Note n°6
Dans une lettre précédente du [16 février 1909], Proust avait évoqué lʼidée de faire un pastiche de Montesquiou (CP 01936 ; Kolb, IX, n° 11). Voir aussi la lettre du [2 mars 1909] dans laquelle il suggère une épigraphe pour ce pastiche (CP 01949 ; Kolb, IX, n° 24). [JA]
Note n°7
Voir la lettre de Proust à Jules Lemaître de [peu après le 16 mars 1909] (CP 01954 ; Kolb, IX, n° 29). Proust et Lemaître se seraient rencontrés chez Mme Alphonse Daudet, lors dʼune soirée que Lucien Daudet évoque en ces termes : « Après les Pastiches parus dans Le Figaro (dont M. Jules Lemaître lui dit, un soir, à la maison : “Du moment que le mécanisme peut être démonté et remonté ainsi, c’est à ne plus oser écrire…, non seulement c’est extraordinaire, mais cela fait peur”) [...] ». Cahiers Marcel Proust, V, p. 58. [PK]
Note
Marcel Proust Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches 6 mars 1909


Mots-clefs :lecturespastichesorties
Date de mise en ligne : April 1, 2024 18:45
Date de la dernière mise à jour : June 18, 2024 07:03
Surlignage

Cher Monsieur,

Que je vous remercie de votre belle carte, de votre encouragement bienveillant et spirituel. Qu’elle est jolie cette carte postale d’un pays dont vous avez si bien parlé, et si souvent, et assez dernièrement encore à propos de la maison de M. de Schickler et aussi du peintre de l’Engadine, de la leçon des sommets aux vallées et aux villes . Je vous remercie de distinguer mon dessein et mon dessin dans ces pastiches. Mais j’avoue que pour un pastiche de vous je ne vois pas trop quel serait ce dessin, à moins d’entrecroiser les fils en une véritable tapisserie, mais il ne serait pas aisé. L’extrême complication et l’extrême nudité rendent les pastiches difficiles. Monsieur Lemaître qui a été si bienveillant à cette petite soirée, plus que bienveillant même, m’avait fait demander un Mérimée et un Voltaire. Je ne sais pas trop ce que ce serait… Tout de même si, mais ce ne serait pas facile.

Excusez-moi de parler avec cette complaisance de moi, ce qui n’est guère intéressant et acceptez mes hommages d’admirateur affectueux et dévoué.

Marcel Proust

Surlignage

Cher Monsieur,

Que je vous remercie de votre belle carte, de votre encouragement bienveillant et spirituel. Qu’elle est jolie cette carte postale d’un pays dont vous avez si bien parlé, et si souvent, et assez dernièrement encore à propos de la maison de M. de Schickler et aussi du peintre de l’Engadine, de la leçon des sommets aux vallées et aux villes . Je vous remercie de distinguer mon dessein et mon dessin dans ces pastiches. Mais j’avoue que pour un pastiche de vous je ne vois pas trop quel serait ce dessin, à moins d’entrecroiser les fils en une véritable tapisserie, mais il ne serait pas aisé. L’extrême complication et l’extrême nudité rendent les pastiches difficiles. Monsieur Lemaître qui a été si bienveillant à cette petite soirée, plus que bienveillant même, m’avait fait demander un Mérimée et un Voltaire. Je ne sais pas trop ce que ce serait… Tout de même si, mais ce ne serait pas facile.

Excusez-moi de parler avec cette complaisance de moi, ce qui n’est guère intéressant et acceptez mes hommages d’admirateur affectueux et dévoué.

Marcel Proust

Note n°1
Cette lettre suit à peu d’intervalle la carte postale à laquelle elle répond. Voir la note 2 ci-après. Une copie de cette lettre figure dans le Fonds Montesquiou de la BNF (NAF 15254, f. 114r -f. 114v). [PK]
Note n°2
Allusion à la carte postale de Montesquiou à Proust, que Kolb date du [mardi 6 mars 1909] – il s’agit en fait du [samedi 6 mars 1909] (CP 01952 ; Kolb, IX, n° 27). Le Comte y félicite Proust de son pastiche de Régnier, publié dans le Supplément Littéraire du Figaro du 6 mars 1909, p. 1. [PK, JA]
Note n°3
Allusion au chapitre XIV d’Altesses sérénissimes. Voir la lettre de Proust à Reynaldo Hahn de la nuit de lundi à mardi [18 à 19 mars 1907] (CP 01711 ; Kolb, VII, n°58) et la lettre du même au même du [lundi soir 7 octobre 1907] (CP 01712 ; Kolb, VII, n° 159, note 5). Il s’agit du baron Fernand de Schickler, historien, banquier et fondateur de la Société dʼhistoire du protestantisme français. [PK, NM]
Note n°4
Le marquis Gaspare de Vitelleschi degli Azzi, peintre italien. Montesquiou lui avait consacré un article paru dans Le Figaro du 17 novembre 1908, p. 1 , sous le titre de « L’Engadine », et repris dans Têtes d’expression (1912), chapitre X, sous le titre « Un peintre alpiniste ». Voir la lettre du même au même du mardi [16 février 1909] (CP 01936 ; Kolb, IX, n° 11). [PK, JA]
Note n°5
Allusion, semble-t-il, au chapitre XV d’Altesses sérénissimes. En 1895, dans son recueil de vers Le parcours du rêve au souvenir (édition Charpentier et Fasquelle, 1895, p. 119), Montesquiou avait intitulé une des parties : « Névés : Engadinages et Suisseries ». Dans lʼédition définitive, publiée en 1908, cette partie sʼintitule « Névés : Engadine ». [PK]
Note n°6
Dans une lettre précédente du [16 février 1909], Proust avait évoqué lʼidée de faire un pastiche de Montesquiou (CP 01936 ; Kolb, IX, n° 11). Voir aussi la lettre du [2 mars 1909] dans laquelle il suggère une épigraphe pour ce pastiche (CP 01949 ; Kolb, IX, n° 24). [JA]
Note n°7
Voir la lettre de Proust à Jules Lemaître de [peu après le 16 mars 1909] (CP 01954 ; Kolb, IX, n° 29). Proust et Lemaître se seraient rencontrés chez Mme Alphonse Daudet, lors dʼune soirée que Lucien Daudet évoque en ces termes : « Après les Pastiches parus dans Le Figaro (dont M. Jules Lemaître lui dit, un soir, à la maison : “Du moment que le mécanisme peut être démonté et remonté ainsi, c’est à ne plus oser écrire…, non seulement c’est extraordinaire, mais cela fait peur”) [...] ». Cahiers Marcel Proust, V, p. 58. [PK]
Note
Marcel Proust Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches 6 mars 1909


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Date de mise en ligne : April 1, 2024 18:45
Date de la dernière mise à jour : June 18, 2024 07:03
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