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CP 01959 Marcel Proust à Fernand Gregh [le 28 ou 29 mars 1909]

Surlignage

Cher ami

Un seul mot pour te remercier mille
fois de ta lettre. Ces pastiches sont en
effet de petits exercices pour lesquels il
n’y a pas besoin de talent, mais qui
ne s’adressent qu’aux gens de talent
(ou de génie ! je ne limite pas de ce côté
mon public !) parceque seuls ils peuvent
comprendre la plaisanterie du pasticheur. Je
suis donc bien content qu’ils te tombent


sous les yeux. Merci pour Dubois, j’
espère pouvoir causer avec toi bientot
si je vais mieux

Tout à toi

Marcel Proust

Non un volume pour ces pastiches, ce serait
excessif. Comme cela, dans le journal, cela
va. Peut’être j’en joindrai quelques uns à
un volume si j’en fais un. Mais pas rien
que pour des pastiches. Du reste il ne faut
pas que je me fasse plus raisonnable que
je ne suis. Des camarades très gentils et
sans doute heureux d’avoir enfin q. q chose


sur quoi pouvoir me féliciter, m’avaient tellement répété
« réunis tes pastiches » que j’ai accepté cette idée pendant
q. q. jours. Heureusement les éditeurs ont eu une notion
plus juste de la chose, et successivement, en quelques jours, le
Mercure, Calmann, Fasquelle, je ne sais encore qui, à qui
des tiers illusionnés s’étaient adressés, ont décliné cet
honneur ! Mais c’est très bien ainsi. Tu en lis un, tu le
trouves exact, tu me le dis, voilà le plaisir vrai et rare
qu’ils peuvent me donner, c’est ce que je peux imaginer de mieux.

Surlignage

Cher ami

Un seul mot pour te remercier mille fois de ta lettre. Ces pastiches sont en effet de petits exercices pour lesquels il n’y a pas besoin de talent, mais qui ne s’adressent qu’aux gens de talent (ou de génie ! je ne limite pas de ce côté mon public !) parce que seuls ils peuvent comprendre la plaisanterie du pasticheur. Je suis donc bien content qu’ils te tombentsous les yeux. Merci pour Dubois, j’ espère pouvoir causer avec toi bientôt si je vais mieux.

Tout à toi

Marcel Proust

Non un volume pour ces pastiches, ce serait excessif. Comme cela, dans le journal, cela va. peut-être j’en joindrai quelques-uns à un volume si j’en fais un. Mais pas rien que pour des pastiches. Du reste il ne faut pas que je me fasse plus raisonnable que je ne suis. Des camarades très gentils et sans doute heureux d’avoir enfin quelque chose sur quoi pouvoir me féliciter, m’avaient tellement répété « réunis tes pastiches » que j’ai accepté cette idée pendant quelques jours. Heureusement les éditeurs ont eu une notion plus juste de la chose, et successivement, en quelques jours, le Mercure, Calmann, Fasquelle, je ne sais encore qui, à qui des tiers illusionnés s’étaient adressés, ont décliné cet honneur ! Mais c’est très bien ainsi. Tu en lis un, tu le trouves exact, tu me le dis, voilà le plaisir vrai et rare qu’ils peuvent me donner, c’est ce que je peux imaginer de mieux.

Note n°1
Cette lettre semble correspondre à une enveloppe d’un même papier au cachet postal dʼenvoi « Paris 16* 29 - 3 09 » (CP 90040) qui est reproduite dans le Catalogue Marcel Proust de la Librairie Jean-Claude Vrain (Paris, 2022, p. 83). Elle répond à une lettre de Fernand Gregh écrite après la publication du pastiche de Proust sur Régnier, le 6 mars 1909 (voir note 3). [PK, JA]
Note n°2
Fernand Gregh avait fait lui-même plusieurs pastiches qui avaient paru avec son consentement, mais sans sa signature, dans le recueil de Reboux et Müller, A la manière de… (1908), notamment des pastiches de Heredia et de Anna de Noailles. Comme il le souligne lors de la publication de ces lettres en 1954, il avait lu ceux de Proust à mesure de leur parution dans Le Figaro (voir note 3), les avait trouvés supérieurs aux siens, les avait découpés, et avait fini par écrire à Proust pour lui demander de les faire paraître en volume. [PK, JA]
Note n°3
Allusion au dernier pastiche publié par Proust, celui de Henri de Régnier, que Le Figaro avait publié dans son Supplément littéraire du 6 mars 1909, sous le titre « "LʼAffaire Lemoine" : VIII, par Henri de Régnier ». Les autres pastiches de Proust avaient paru lʼannée précédente dans le Supplément littéraire du Figaro du samedi 22 février 1908 (« I. Dans un roman de Balzac », « II. Dans un feuilleton dramatique de M. Émile Faguet », « III. Par Michelet », « IV. Dans le journal des Goncourt »), du samedi 14 mars (« V. "LʼAffaire Lemoine" par Gustave Flaubert », « VI. Critique du roman de M. Gustave Flaubert sur lʼ "Affaire Lemoine" par Sainte-Beuve dans son feuilleton du "Constitutionnel" ») et du samedi 21 mars 1908 (« VII. LʼAffaire Lemoine par Ernest Renan »). [JA]
Note n°4
Dans sa précédente lettre à Fernand Gregh du [18 ou 19 février 1909] (CP 01938 ; Kolb, IX, n° 13 et sa note 6), Proust lui avait demandé un rendez-vous pour parler de ce médecin neurologue quʼil envisageait déjà de consulter en 1904. [PK, JA]
Note n°5
Dès 1908, Proust sʼétait interrogé sur la possibilité de réunir ses pastiches en « plaquette ». Voir la lettre de Proust à Dreyfus du [samedi 21 mars 1908] (CP 01772 ; Kolb, VIII, n° 28) et sa note 12 ainsi que la lettre à la princesse de Caraman-Chimay datée de [peu avant le 4 avril 1908] (CP 01782 ; Kolb, XXI, n° 470) et sa note 5. Le volume Pastiches et Mélanges ne paraîtra quʼen 1919. [JA]
Note
Marcel Proust 22 février, 14 et 21 mars 1908 et 6 mars 1909 Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches


Mots-clefs :éditionpasticheréceptionsanté
Date de mise en ligne : April 3, 2024 07:16
Date de la dernière mise à jour : June 18, 2024 07:03
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Cher ami

Un seul mot pour te remercier mille
fois de ta lettre. Ces pastiches sont en
effet de petits exercices pour lesquels il
n’y a pas besoin de talent, mais qui
ne s’adressent qu’aux gens de talent
(ou de génie ! je ne limite pas de ce côté
mon public !) parceque seuls ils peuvent
comprendre la plaisanterie du pasticheur. Je
suis donc bien content qu’ils te tombent


sous les yeux. Merci pour Dubois, j’
espère pouvoir causer avec toi bientot
si je vais mieux

Tout à toi

Marcel Proust

Non un volume pour ces pastiches, ce serait
excessif. Comme cela, dans le journal, cela
va. Peut’être j’en joindrai quelques uns à
un volume si j’en fais un. Mais pas rien
que pour des pastiches. Du reste il ne faut
pas que je me fasse plus raisonnable que
je ne suis. Des camarades très gentils et
sans doute heureux d’avoir enfin q. q chose


sur quoi pouvoir me féliciter, m’avaient tellement répété
« réunis tes pastiches » que j’ai accepté cette idée pendant
q. q. jours. Heureusement les éditeurs ont eu une notion
plus juste de la chose, et successivement, en quelques jours, le
Mercure, Calmann, Fasquelle, je ne sais encore qui, à qui
des tiers illusionnés s’étaient adressés, ont décliné cet
honneur ! Mais c’est très bien ainsi. Tu en lis un, tu le
trouves exact, tu me le dis, voilà le plaisir vrai et rare
qu’ils peuvent me donner, c’est ce que je peux imaginer de mieux.

Surlignage

Cher ami

Un seul mot pour te remercier mille fois de ta lettre. Ces pastiches sont en effet de petits exercices pour lesquels il n’y a pas besoin de talent, mais qui ne s’adressent qu’aux gens de talent (ou de génie ! je ne limite pas de ce côté mon public !) parce que seuls ils peuvent comprendre la plaisanterie du pasticheur. Je suis donc bien content qu’ils te tombentsous les yeux. Merci pour Dubois, j’ espère pouvoir causer avec toi bientôt si je vais mieux.

Tout à toi

Marcel Proust

Non un volume pour ces pastiches, ce serait excessif. Comme cela, dans le journal, cela va. peut-être j’en joindrai quelques-uns à un volume si j’en fais un. Mais pas rien que pour des pastiches. Du reste il ne faut pas que je me fasse plus raisonnable que je ne suis. Des camarades très gentils et sans doute heureux d’avoir enfin quelque chose sur quoi pouvoir me féliciter, m’avaient tellement répété « réunis tes pastiches » que j’ai accepté cette idée pendant quelques jours. Heureusement les éditeurs ont eu une notion plus juste de la chose, et successivement, en quelques jours, le Mercure, Calmann, Fasquelle, je ne sais encore qui, à qui des tiers illusionnés s’étaient adressés, ont décliné cet honneur ! Mais c’est très bien ainsi. Tu en lis un, tu le trouves exact, tu me le dis, voilà le plaisir vrai et rare qu’ils peuvent me donner, c’est ce que je peux imaginer de mieux.

Note n°1
Cette lettre semble correspondre à une enveloppe d’un même papier au cachet postal dʼenvoi « Paris 16* 29 - 3 09 » (CP 90040) qui est reproduite dans le Catalogue Marcel Proust de la Librairie Jean-Claude Vrain (Paris, 2022, p. 83). Elle répond à une lettre de Fernand Gregh écrite après la publication du pastiche de Proust sur Régnier, le 6 mars 1909 (voir note 3). [PK, JA]
Note n°2
Fernand Gregh avait fait lui-même plusieurs pastiches qui avaient paru avec son consentement, mais sans sa signature, dans le recueil de Reboux et Müller, A la manière de… (1908), notamment des pastiches de Heredia et de Anna de Noailles. Comme il le souligne lors de la publication de ces lettres en 1954, il avait lu ceux de Proust à mesure de leur parution dans Le Figaro (voir note 3), les avait trouvés supérieurs aux siens, les avait découpés, et avait fini par écrire à Proust pour lui demander de les faire paraître en volume. [PK, JA]
Note n°3
Allusion au dernier pastiche publié par Proust, celui de Henri de Régnier, que Le Figaro avait publié dans son Supplément littéraire du 6 mars 1909, sous le titre « "LʼAffaire Lemoine" : VIII, par Henri de Régnier ». Les autres pastiches de Proust avaient paru lʼannée précédente dans le Supplément littéraire du Figaro du samedi 22 février 1908 (« I. Dans un roman de Balzac », « II. Dans un feuilleton dramatique de M. Émile Faguet », « III. Par Michelet », « IV. Dans le journal des Goncourt »), du samedi 14 mars (« V. "LʼAffaire Lemoine" par Gustave Flaubert », « VI. Critique du roman de M. Gustave Flaubert sur lʼ "Affaire Lemoine" par Sainte-Beuve dans son feuilleton du "Constitutionnel" ») et du samedi 21 mars 1908 (« VII. LʼAffaire Lemoine par Ernest Renan »). [JA]
Note n°4
Dans sa précédente lettre à Fernand Gregh du [18 ou 19 février 1909] (CP 01938 ; Kolb, IX, n° 13 et sa note 6), Proust lui avait demandé un rendez-vous pour parler de ce médecin neurologue quʼil envisageait déjà de consulter en 1904. [PK, JA]
Note n°5
Dès 1908, Proust sʼétait interrogé sur la possibilité de réunir ses pastiches en « plaquette ». Voir la lettre de Proust à Dreyfus du [samedi 21 mars 1908] (CP 01772 ; Kolb, VIII, n° 28) et sa note 12 ainsi que la lettre à la princesse de Caraman-Chimay datée de [peu avant le 4 avril 1908] (CP 01782 ; Kolb, XXI, n° 470) et sa note 5. Le volume Pastiches et Mélanges ne paraîtra quʼen 1919. [JA]
Note
Marcel Proust 22 février, 14 et 21 mars 1908 et 6 mars 1909 Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches


Mots-clefs :éditionpasticheréceptionsanté
Date de mise en ligne : April 3, 2024 07:16
Date de la dernière mise à jour : June 18, 2024 07:03
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