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CP 01962 Marcel Proust à Robert Dreyfus [le samedi matin 17 avril 1909]

Surlignage

8h du matin
(et on dit que je ne suis pas matinal !) (En
tous cas je lis mes bons auteurs de bonne heure).


Cher Robert

Je suis tellement souffrant
aujourd’hui que je ne t’
écris qu’une ligne pour
remercier le « très spirituel
collaborateur du Figaro
 » (c’est
toi !) d’être tellement gentil pour
moi et de faire figurer, pour
les faire durer, mes pauvres pastiches ,
dans la série qu’il a « si heureusement


entreprise » et «  où il marie la substance
de sa fantaisie aux trouvailles de l’
actualité
 » (comme j’écris bien quand
je ne fais que te copier ! Et comme
tout cela, si joliment dit, s’applique
mieux à toi qu’à moi).
Je suis confus, et très très reconnaissant.
Entendu pour Nietzsche quand j’irai mieux,
mais pour toi seul.—.Qt à l’« édition »
des pastiches je vois que cela n’est pas encore
sur Puzin qu’il faut compter !

Tendres amitiés reconnaissantes

Marcel Proust


J’espère que
ton frère va bien.
Surlignage

Cher Robert

Je suis tellement souffrant aujourd’hui que je ne t’écris qu’une ligne pour remercier le « très spirituel collaborateur du Figaro  » (c’est toi !) d’être tellement gentil pour moi et de faire figurer, pour les faire durer, mes pauvres pastiches , dans la série qu’il a « si heureusement entreprise » et «  où il marie la substance de sa fantaisie aux trouvailles de l’actualité  » (comme j’écris bien quand je ne fais que te copier ! Et comme tout cela, si joliment dit, s’applique mieux à toi qu’à moi). Je suis confus, et très très reconnaissant. Entendu pour Nietzsche quand j’irai mieux, mais pour toi seul.

Quant à l’« édition » des pastiches je vois que cela n’est pas encore sur Puzin qu’il faut compter !

Tendres amitiés reconnaissantes

Marcel Proust

J’espère que ton frère va bien.

8h du matin (et on dit que je ne suis pas matinal !) (En tous cas je lis mes bons auteurs de bonne heure).

Note n°1
Lettre écrite le samedi matin 17 avril 1909 : citation d’un article du destinataire que Proust lit sans doute avant de s’endormir. Voir la note 2 ci-après. [PK]
Note n°2
Allusion au Figaro du samedi 17 avril 1909, où, p. 3, le destinataire, sous sa rubrique « Notes d’un Parisien : Qui ça, Lemoine ? » écrit : « Jadis les enfants ne lisaient pas les journaux : c’était un devoir strictement réservé aux grandes personnes. [...] A présent, nos lycéens ont le droit de lire les journaux. [...] Aussi gardons-nous de leur citer comme modèle le jeune commis de M. Puzin, libraire. Interrogé par un de nos confrères sur le célèbre Lemoine, qui fut arrêté en présence de son patron, ce citoyen de seize ans a dit : “M. Lemoine, qui est-ce ?” Etonné, notre confrère lui demanda s’il ne lisait jamais les journaux et reçut cet aveu nonchalant “Non ! je ne lis que les livres…” De fait, l’enfant tenait un volume de Nietzsche, qui semblait lui suffire et lui plaire ». Sur cet entretien du commis de Puzin sur Lemoine, voir aussi Le Matin du 15 avril 1909 et Le Petit Parisien du 15 avril 1909, p. 1, dernière colonne. [PK, MM]
Note n°3
L’article s’achève sur le passage auquel Proust fait allusion : « Justement, à propos de cette affaire Lemoine, un très spirituel collaborateur du Figaro a su marier la substance de sa fantaisie aux trouvailles de l’ “actualité”. À la série de Pastiches qu’il a si heureusement entreprise, M. Marcel Proust ne joindra-t-il pas bientôt quelques “aphorismes” prétendus de Frédéric Nietzsche ? — Souhaitons-le, pour notre plaisir, et pour l’édification du tranquille petit surhomme qui travaille chez M. Puzin, libraire  ». [PK, MM]
Note n°4
Proust ne semble pas avoir fait le pastiche de Nietzsche. [PK]
Note n°5
Voir la note 2 ci-dessus. Un pastiche de Proust, le pastiche de Henri de Régnier, avait paru dans le Supplément littéraire du 6 mars 1909 sous le titre « "LʼAffaire Lemoine" : VIII, par Henri de Régnier ». Les autres pastiches de Proust avaient paru lʼannée précédente dans le Supplément littéraire du Figaro du samedi 22 février 1908 (« I. Dans un roman de Balzac », « II. Dans un feuilleton dramatique de M. Émile Faguet », « III. Par Michelet », « IV. Dans le journal des Goncourt »), du samedi 14 mars (« V. "LʼAffaire Lemoine" par Gustave Flaubert », « VI. Critique du roman de M. Gustave Flaubert sur lʼ "Affaire Lemoine" par Sainte-Beuve dans son feuilleton du "Constitutionnel" ») et du samedi 21 mars 1908 (« VII. LʼAffaire Lemoine par Ernest Renan »). Ils ne seront recueillis dans Pastiches et Mélanges quʼen 1919. [PK, JA]
Note n°6
Voir la lettre de Proust à Robert Dreyfus du [28 ou 29 mars 1909] (CP 01958 ; Kolb, IX, n°33, note 2) dans laquelle il évoquait déjà la maladie dʼHenri Dreyfus quʼil considérait comme « une des figures familières de [s]on enfance  ». [PK, JA]
Note
Marcel Proust 22 février, 14 et 21 mars 1908 et 6 mars 1909 Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches


Mots-clefs :éditionlecturespastichepressesanté
Date de mise en ligne : April 3, 2024 07:24
Date de la dernière mise à jour : June 18, 2024 07:03
Surlignage

8h du matin
(et on dit que je ne suis pas matinal !) (En
tous cas je lis mes bons auteurs de bonne heure).


Cher Robert

Je suis tellement souffrant
aujourd’hui que je ne t’
écris qu’une ligne pour
remercier le « très spirituel
collaborateur du Figaro
 » (c’est
toi !) d’être tellement gentil pour
moi et de faire figurer, pour
les faire durer, mes pauvres pastiches ,
dans la série qu’il a « si heureusement


entreprise » et «  où il marie la substance
de sa fantaisie aux trouvailles de l’
actualité
 » (comme j’écris bien quand
je ne fais que te copier ! Et comme
tout cela, si joliment dit, s’applique
mieux à toi qu’à moi).
Je suis confus, et très très reconnaissant.
Entendu pour Nietzsche quand j’irai mieux,
mais pour toi seul.—.Qt à l’« édition »
des pastiches je vois que cela n’est pas encore
sur Puzin qu’il faut compter !

Tendres amitiés reconnaissantes

Marcel Proust


J’espère que
ton frère va bien.
Surlignage

Cher Robert

Je suis tellement souffrant aujourd’hui que je ne t’écris qu’une ligne pour remercier le « très spirituel collaborateur du Figaro  » (c’est toi !) d’être tellement gentil pour moi et de faire figurer, pour les faire durer, mes pauvres pastiches , dans la série qu’il a « si heureusement entreprise » et «  où il marie la substance de sa fantaisie aux trouvailles de l’actualité  » (comme j’écris bien quand je ne fais que te copier ! Et comme tout cela, si joliment dit, s’applique mieux à toi qu’à moi). Je suis confus, et très très reconnaissant. Entendu pour Nietzsche quand j’irai mieux, mais pour toi seul.

Quant à l’« édition » des pastiches je vois que cela n’est pas encore sur Puzin qu’il faut compter !

Tendres amitiés reconnaissantes

Marcel Proust

J’espère que ton frère va bien.

8h du matin (et on dit que je ne suis pas matinal !) (En tous cas je lis mes bons auteurs de bonne heure).

Note n°1
Lettre écrite le samedi matin 17 avril 1909 : citation d’un article du destinataire que Proust lit sans doute avant de s’endormir. Voir la note 2 ci-après. [PK]
Note n°2
Allusion au Figaro du samedi 17 avril 1909, où, p. 3, le destinataire, sous sa rubrique « Notes d’un Parisien : Qui ça, Lemoine ? » écrit : « Jadis les enfants ne lisaient pas les journaux : c’était un devoir strictement réservé aux grandes personnes. [...] A présent, nos lycéens ont le droit de lire les journaux. [...] Aussi gardons-nous de leur citer comme modèle le jeune commis de M. Puzin, libraire. Interrogé par un de nos confrères sur le célèbre Lemoine, qui fut arrêté en présence de son patron, ce citoyen de seize ans a dit : “M. Lemoine, qui est-ce ?” Etonné, notre confrère lui demanda s’il ne lisait jamais les journaux et reçut cet aveu nonchalant “Non ! je ne lis que les livres…” De fait, l’enfant tenait un volume de Nietzsche, qui semblait lui suffire et lui plaire ». Sur cet entretien du commis de Puzin sur Lemoine, voir aussi Le Matin du 15 avril 1909 et Le Petit Parisien du 15 avril 1909, p. 1, dernière colonne. [PK, MM]
Note n°3
L’article s’achève sur le passage auquel Proust fait allusion : « Justement, à propos de cette affaire Lemoine, un très spirituel collaborateur du Figaro a su marier la substance de sa fantaisie aux trouvailles de l’ “actualité”. À la série de Pastiches qu’il a si heureusement entreprise, M. Marcel Proust ne joindra-t-il pas bientôt quelques “aphorismes” prétendus de Frédéric Nietzsche ? — Souhaitons-le, pour notre plaisir, et pour l’édification du tranquille petit surhomme qui travaille chez M. Puzin, libraire  ». [PK, MM]
Note n°4
Proust ne semble pas avoir fait le pastiche de Nietzsche. [PK]
Note n°5
Voir la note 2 ci-dessus. Un pastiche de Proust, le pastiche de Henri de Régnier, avait paru dans le Supplément littéraire du 6 mars 1909 sous le titre « "LʼAffaire Lemoine" : VIII, par Henri de Régnier ». Les autres pastiches de Proust avaient paru lʼannée précédente dans le Supplément littéraire du Figaro du samedi 22 février 1908 (« I. Dans un roman de Balzac », « II. Dans un feuilleton dramatique de M. Émile Faguet », « III. Par Michelet », « IV. Dans le journal des Goncourt »), du samedi 14 mars (« V. "LʼAffaire Lemoine" par Gustave Flaubert », « VI. Critique du roman de M. Gustave Flaubert sur lʼ "Affaire Lemoine" par Sainte-Beuve dans son feuilleton du "Constitutionnel" ») et du samedi 21 mars 1908 (« VII. LʼAffaire Lemoine par Ernest Renan »). Ils ne seront recueillis dans Pastiches et Mélanges quʼen 1919. [PK, JA]
Note n°6
Voir la lettre de Proust à Robert Dreyfus du [28 ou 29 mars 1909] (CP 01958 ; Kolb, IX, n°33, note 2) dans laquelle il évoquait déjà la maladie dʼHenri Dreyfus quʼil considérait comme « une des figures familières de [s]on enfance  ». [PK, JA]
Note
Marcel Proust 22 février, 14 et 21 mars 1908 et 6 mars 1909 Le Figaro. Supplément littéraire Pastiches


Mots-clefs :éditionlecturespastichepressesanté
Date de mise en ligne : April 3, 2024 07:24
Date de la dernière mise à jour : June 18, 2024 07:03
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